L’odeur du virus

Remarques sur l'imaginaire social de la crise sanitaire

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L’air d’un lieu est un effrayant bouillon dans lequel se mêlent les fumées, les soufres, les vapeurs aqueuses, vola­tiles, hui­leuses et salines qui s’exhalent de la terre et, au besoin, les matières ful­mi­nantes qu’elle vomit, les mou­fettes qui se dégagent des marais, de minus­cules insectes et leurs œufs, des ani­mal­cules sper­ma­tiques et, bien pire, les miasmes conta­gieux qui s’élèvent des corps en décomposition. 

Alain Cor­bin. 2016. Le miasme et la jon­quille. L’odorat et l’imaginaire social XVIIIe-XIXe siècles. Flammarion.

Il semble deve­nu nor­mal aujourd’hui de croi­ser des pas­sants qui détournent la tête pour se pro­té­ger de l’air fétide que nous expi­rons ou qui, pour leur propre sur­vie, choi­sissent de pas­ser de l’autre côté de la chaus­sée afin ne pas inha­ler les éma­na­tions pes­ti­len­tielles que notre chair dégage à notre insu.

Le virus pénètre nos pou­mons à tra­vers l’haleine putride des infec­tés que nous croi­sons au hasard d’une pro­me­nade, il conta­mine notre peau au tra­vers des effluves insa­lubre des sueurs, urines et matières fécales que les nou­veaux lépreux laissent sur les ali­ments du mar­ché ou les sur­faces des lieux publics, et il trans­forme encore l’air que nous res­pi­rons en un « mélange meur­trier » de miasmes et d’infection.

À tra­vers les innom­brables dis­cus­sions et débats sur les modes de conta­mi­na­tion de la mala­die, sur la dis­tri­bu­tion d’aé­ro­sols mor­ti­fères, mais aus­si à tra­vers les mesures de dis­tan­cia­tion et l’o­bli­ga­tion du porte de masque, les fan­tasmes de la peste et des pires épi­dé­mies de l’his­toire humaine ont été sys­té­ma­ti­que­ment acti­vés par la pro­pa­gande poli­tique et médiatique.

Il semble donc appro­prié de lire la crise sani­taire éga­le­ment du point de vue de ces fan­tasmes sociaux, soit du point de vue de ce qu’A­lain Cor­bin appelle « l’i­ma­gi­naire social ». Il ne s’a­git donc pas, dans ce qui suit, d’une ana­lyse des évé­ne­ments réels, de l’ef­fi­ca­ci­té réelle ou de l’ab­sur­di­té des mesures, ni d’une cri­tique des éva­lua­tions scien­ti­fiques réelles ou sup­po­sées de la situa­tion de pan­dé­mie. L’ac­cent sera plu­tôt por­té sur les ima­gi­na­tions, les fan­tasmes et les mirages inten­tion­nels et non inten­tion­nels qui non seule­ment s’ex­priment dans les dis­cours publics et pri­vés, mais qui, plus impor­tant encore, sous-tendent impli­ci­te­ment et de manière mas­quée de nom­breux com­por­te­ments et actions au quotidien. 

Nous nous situons ici dans le domaine de ce que Freud appe­lait le « pro­ces­sus pri­maire » : un mode de pen­sée essen­tiel­le­ment incons­cient et non inten­tion­nel où la logique, la ratio­na­li­té, la réa­li­té et la chro­no­lo­gie semblent être sus­pen­dues et rem­pla­cées par des conden­sa­tions et des dépla­ce­ments de sens, à l’ins­tar des rêves et des cau­che­mars. Dans cette pers­pec­tive, l’ef­frayante simi­li­tude des constel­la­tions ima­gi­naires de la peur de contact viral, de la haine de l’autre et de la logique para­noïaque de cer­tains délires bien repé­rés devient apparente.

Avec l’invention des malades asymp­to­ma­tiques et des infec­tions de souf­frants qui s’ignorent, la sym­bo­lique de l’odeur putride du germe semble réso­lu­ment reve­nue à l’ordre du jour. L’odeur, écrit Alain Cor­bin dans son étude sur l’odorat et l’imaginaire social, « était en effet plus étroi­te­ment impli­qué dans la défi­ni­tion du sain et du mal­sain qui s’esquisse (…) et qui contri­bue à ordon­ner les conduites hygié­nistes jusqu’aux décou­vertes pas­to­riennes » (Cor­bin, op. cit.).

Le virus ne se voit pas et ne peut être tou­ché, mais il se sent de par les exha­lai­sons des infectés :

C’est l’haleine qui, mieux que tout, com­mu­nique miasmes et puan­teurs. Qu’on se méfie du souffle fétide de « la bête atteinte », demande Bois­sier de Sau­vages. (…) Le souffle mani­feste la pré­sence de la vie et de ses séduc­tions, il est témoi­gnage de la juste res­pi­ra­tion qui assure l’afflux d’« air vital » ; mais il se fait aus­si l’émonctoire des putri­di­tés accu­mu­lées par les humeurs, l’exutoire de l’« air phlo­gis­ti­qué » qui vicie l’environnement. (Cor­bin. op.cit.)

Par une étrange iro­nie du sort, l’odeur pes­ti­len­tielle de la mala­die mor­telle a enva­hi l’imaginaire de la pan­dé­mie par un virus qui pro­voque la perte de l’odorat. Le véri­table dan­ger de son éma­na­tion consiste dans le fait que son odeur reste cachée ! 

Pour cette rai­son, le virus est poten­tiel­le­ment par­tout : il déprave l’haleine, pour­rit le tou­cher, enve­nime les poi­gnées de mains, conta­mine les bisous, empoi­sonne la proxi­mi­té, vicie les dis­cours, pol­lue les lieux com­muns et empeste les inté­rieurs. Comme les miasmes de la méde­cine médié­vale, notre virus se pro­page par­tout, indé­pen­dam­ment de tout por­teur, dans l’i­ma­gi­na­tion mani­pu­la­trice des poli­ti­ciens et des médias. C’é­tait la rai­son pour laquelle, pour cer­taines gens, il était donc essen­tiel de por­ter cor­rec­te­ment ses masques, même dans la forêt soli­taire ou dans les rues des­sertes des vil­lages et des villes. 

Com­ment sur­vire alors dans ce pan­dé­mo­nium viral inodore sans son masque res­pi­ra­toire ? Com­ment sor­tir de cette « atmo­sphère impré­gnée des éma­na­tions putrides » de corps sans les ver­tus sal­va­trices du vaccin ?

Tra­di­tion­nel­le­ment, l’odeur, les miasmes et les virus portent la marque de la misère. De nos jours encore, la mau­vaise odeur est une odeur de classe sociale. L’odeur de l’autre est le cachet de sa distinction.

L’absence d’odeur impor­tune per­met de se dis­tin­guer du peuple putride, puant comme la mort, comme le péché et, du même coup, de jus­ti­fier impli­ci­te­ment le trai­te­ment qu’on lui impose. Sou­li­gner la féti­di­té des classes labo­rieuses, et donc mettre l’accent sur le risque d’infection que leur seule pré­sence com­porte, contri­bue à entre­te­nir cette ter­reur jus­ti­fi­ca­trice dans laquelle la bour­geoi­sie se com­plaît et qui endigue l’expression de son remords. (Cor­bin. op.cit.)

Chas­ser l’odeur, hygié­ni­ser les sécré­tions de la misère, c’est donc assi­mi­ler « sym­bo­li­que­ment la dés­in­fec­tion et la sou­mis­sion ». Ain­si, en Alle­magne, en avril et en mai 2020, on aura pu trans­for­mer des blocs entiers d’ouvriers étran­gers en petits camps de concen­tra­tion viraux. « Enfer­més comme des chiens », selon l’expression de l’un de ces ouvriers de la viande, les ouvriers étran­gers se virent séques­trés en qua­ran­taine dans de minus­cules appar­te­ments sur­peu­plés pen­dant des semaines sous la sur­veillance étroite des forces de l’ordre. Pour les misé­rables, le virus fut aus­si le retour de beaux jours de « la Situa­tion de la classe ouvrière en Angle­terre » décrite par Engels en 1844.

Au Luxem­bourg, les petits-bour­geois mil­lion­naires auront a peine caché leur dégoût de la misère insa­lubre, sans man­quer de plaindre de manière un peu par trop hypo­crite les « pauvres » familles labo­rieuses, enfer­mées dans leurs petits appar­te­ments pour y être la proie de foyers de sur­pro­pa­ga­tion infec­tieuses. Dans la lutte des classes sani­taires, les pro­lé­taires mal­odo­rants et d’autres indi­vi­dus immondes s’imprègnent sans autre secours de la féti­di­té ani­male du nou­veau virus.

Car la stra­té­gie sani­taire du confi­ne­ment n’atteint son effi­ca­ci­té idéale que chez les pro­prié­taires de pro­prié­tés spa­cieuses, entou­rées par de magni­fiques ter­rains arbo­rés et don­nant sur la beau­té de la nature envi­ron­nante. Comme au XIXᵉ, la stra­té­gie hygié­niste mise en œuvre opère clai­re­ment « le par­tage entre le bour­geois déso­do­ri­sé et le peuple infect » (Cor­bin, op. cit.). L’aisance petite-bour­geoise et la richesse bour­geoise ne se carac­té­risent plus seule­ment de l’inutilité du recours au tra­vail manuel. Pen­dant la pan­dé­mie, les pri­vi­lèges de classe furent aus­si les pri­vi­lèges du tra­vail à domi­cile, dans la pro­prié­té déso­do­ri­sée et asep­ti­sée de l’odeur de la misère.

La pan­dé­mie n’est pas une pan­dé­mie, écri­vait Richard Hor­ton, le rédac­teur en chef du Lan­cet en sep­tembre 2020, c’est une syn­dé­mie (Hor­ton, 2020). Contrai­re­ment à la pan­dé­mie, la syn­dé­mie ne relève pas d’une simple pro­blé­ma­tique médi­cale ou épi­dé­mio­lo­gique, mais des inéga­li­tés sociales :

La consé­quence la plus impor­tante du fait de consi­dé­rer le COVID-19 comme une syn­dé­mie est de sou­li­gner ses ori­gines sociales. La vul­né­ra­bi­li­té des per­sonnes âgées, des com­mu­nau­tés noires, asia­tiques et des mino­ri­tés eth­niques, ain­si que des tra­vailleurs clés, géné­ra­le­ment mal payés et béné­fi­ciant de moins de pro­tec­tions sociales, met en évi­dence une véri­té jus­qu’i­ci à peine recon­nue, à savoir que, quelle que soit l’ef­fi­ca­ci­té d’un trai­te­ment ou la pro­tec­tion d’un vac­cin, la recherche d’une solu­tion pure­ment bio­mé­di­cale au COVID-19 est vouée à l’é­chec. A moins que les gou­ver­ne­ments ne conçoivent des poli­tiques et des pro­grammes pour inver­ser les pro­fondes dis­pa­ri­tés, nos socié­tés ne seront jamais vrai­ment COVID-19 sûres. (Hor­ton op. cit.)

Voi­là donc le grand retour des bases de l’hygiénisme du XIXᵉ siècle par la gloire de la science médi­cale contem­po­raine. « La salu­bri­té d’une grande ville est la somme de toutes les habi­ta­tions pri­vées », disait un rap­port sur les épi­dé­mies de 1830 à 1836. Et c’est la rai­son pour laquelle l’on pou­vait déce­ler les lieux de l’infection au « cœur de la demeure du misé­rable ». Il faut décrot­ter les misérables !

Pas d’hygiénisme sans son rap­pel de la nature ani­male de la sexua­li­té. L’odeur des organes sexuels et des organes d’excrétion, dont Freud rele­vait encore la proxi­mi­té, voire l’identité dans le cas de l’homme, fai­sait par­tie inté­grante des réflexions hygié­nistes sur les épi­dé­mies. Au XVIIIe siècle, le méde­cin Théo­phile de Bor­deu consta­tait encore « l’effet aphro­di­siaque des fortes odeurs cor­po­relles, la grande fécon­di­té des pauvres ». Cor­bin écrit au pro­pos de l’hygiénisme du XIXᵉ :

Le dis­cours domi­nant de ce temps asso­cie le com­por­te­ment sca­to­lo­gique à l’instinct, c’est-à-dire à l’enfance et au peuple ; il lui oppose celui de la bour­geoi­sie, édu­quée, mature, qui a su assi­mi­ler les dis­ci­plines soma­tiques néces­saires à l’élimination de l’excrément hors du champ visuel et olfac­tif. (Cor­bin, op. cit.)

C’est dans ce contexte que se situent les pre­mières réflexions de Sig­mund Freud sur la sexua­li­té. Dans une lettre de mai 1897 à son ami et col­lègue ORL Wil­helm Fließ, Freud écri­vait qu’il était sur le point de déce­ler « les sources de la morale ». Et cinq mois plus tard, Freud était convain­cu d’avoir décou­vert non seule­ment les ori­gines his­to­riques de la morale, mais les sources de la culture humaine en rap­port à la sexualité.

L’idée de Freud repo­sait sur une his­toire natu­relle fic­tive de l’humanité. Avec l’adoption de la pos­ture debout, expli­quait Freud à son ami, le nez et les yeux se sont éloi­gnés de leur proxi­mi­té des organes sexuels et d’excrétion. Ain­si, la marche bipède en posi­tion debout inter­rompt l’intrication de l’odeur, de la sexua­li­té et de l’excrétion. La posi­tion éri­gée de l’homme inter­rompt en même temps le lien libi­di­nal du nez et de la bouche aux organes sexuels et d’excrétion. Lever le nez, écri­vait Freud, signi­fiait se dis­tan­cier de l’inhalation des excré­ments et des sécré­tions sexuelles.

L’érection de l’homme, pen­sait donc Freud dans ses spé­cu­la­tions dar­wi­niennes, consti­tue en même temps l’origine du refou­le­ment de l’odeur, de l’excrément et de la sexua­li­té. Et c’est de ce refou­le­ment que naî­trait la culture « esthé­tique », la culture déso­do­ri­sée. Là où il y avait exci­ta­tion ani­male, chez l’homme culti­vé, il y a du dégoût. Et là où il y avait excré­ment, il y a culture et, sur­tout, argent. Sans s’en rendre compte, et sous le fan­tasme d’une his­toire natu­relle de l’humanité, Freud réécrit ici la psy­cho-his­toire de la bour­geoi­sie du XIXᵉ siècle décrite par Corbin :

J’ai sou­vent soup­çon­né que quelque chose d’or­ga­nique est impli­qué dans le dépla­ce­ment, qu’il s’a­git de l’a­ban­don d’an­ciennes zones sexuelles. Dans mon cas, le soup­çon était lié au chan­ge­ment de rôle des sen­sa­tions olfac­tives : mar­cher debout, le nez décol­lé du sol, de sorte qu’un cer­tain nombre de sen­sa­tions autre­fois inté­res­santes, accro­chées à la terre, étaient deve­nues répul­sives – par un pro­ces­sus qui m’est encore incon­nu. (Il porte son nez haut (er trägt die Nase hoch) = il se consi­dère comme quelque chose de par­ti­cu­liè­re­ment noble). (Freud, 1999)

La source secrète de l’histoire humaine que Freud a décou­verte n’est autre que la source pas­sa­ble­ment offi­cielle de l’hygiénisme bour­geois. Mais ce que Freud a vrai­ment mis à jour, c’est le conflit sexuel inhé­rent à la lutte cultu­relle des classes.

On en com­pren­dra plus aisé­ment les sources de la symp­to­ma­to­lo­gie psy­chique de la syn­dé­mie du Coro­na­vi­rus. La dés­in­fec­tion com­pul­sive des mains – mani­fes­te­ment, on n’aura pas réus­si à ne pas les mettre où il ne fau­drait pas -, le port obli­ga­toire des masques et la dis­tan­cia­tion sociale : voi­là autant de mesures dignes du pro­ces­sus his­to­rique de la « néces­saire déso­do­ri­sa­tion de l’espace public » (Cor­bin, op. cit.) et de la désexua­li­sa­tion de la culture bour­geoise et petite-bourgeoise.

De ce point de vue, le virus aura été une véri­table aubaine pour la mora­li­sa­tion obses­sion­nelle de la psy­cho­lo­gie bour­geoise et petite-bour­geoise. Et par­mi les variantes les plus révé­la­trices de l’impératif viro­lo­gique, il fau­dra cer­tai­ne­ment comp­ter celle d’une édi­to­ria­liste du Tage­blatt inci­tant les lec­teurs du jour­nal de ne pas « trans­mettre (leurs) bac­té­ries à tout le monde » ! Refor­mu­lons à la mode kan­tienne : « Agis uni­que­ment d’après la maxime qui fait que tu puisses ne pas trans­mettre tes bac­té­ries à tout le monde ! »

Avec ses deux conden­sa­tions frap­pantes, cet impé­ra­tif repré­sente très cer­tai­ne­ment l’une des for­mu­la­tions les plus pro­fondes et les plus sur­dé­ter­mi­nées de la psy­cho­lo­gie de la pandémie.

D’une part, la pan­dé­mie n’est évi­dem­ment pas une pan­dé­mie bac­té­rienne. Ce que l’auteur n’est pas sans igno­rer. On lira la bac­té­rie sui­vant le même usage méta­pho­rique que celui du bacille, c’est-à-dire comme expriment la noci­vi­té ou la mal­fai­sance que l’on attri­bue à cer­taines per­sonnes. Noci­vi­té infec­tieuse qui, comme Cor­bin l’a abon­dam­ment mon­tré , est tou­jours attri­buée à l’odeur nau­séa­bonde, à l’odeur des excré­ments et des excré­tions sexuelles des indi­vi­dus immondes.

D’autre part, il semble évident que la for­mu­la­tion mora­li­sante appe­lant à ne pas trans­mettre ses propres bacilles aux autres relève d’une inver­sion. Les bacilles dont il s’agit ne sont pas nos propres bac­té­ries, nos propres effluves dont, en règle géné­rale, nous nous accom­mo­dons fort aisé­ment, mais ceux et celles des autres.

Ici, l’on renoue enfin avec l’une des sources psy­chiques pre­mières de la xéno­pho­bie, du racisme et de l’antisémitisme. L’étranger, l’autre est tou­jours l’autre de nous-mêmes, cette par­tie qu’il nous aura fal­lu refou­ler, cette chair dont il nous a fal­lu nous dégoû­ter pour nous inté­grer à la culture (bour­geoise) :

L’é­tran­ger est tou­jours celui dont la souillure, l’im­pu­re­té pour­rait nous décom­po­ser. Hit­ler voyait dans les Juifs le bien étran­ger qui décom­po­se­rait ‹son› peuple. De même, il consi­dé­rait la lutte contre la syphi­lis comme l’une des tâches vitales les plus impor­tantes de la nation. La sté­ri­li­sa­tion des « patients héré­di­taires » qui en sont atteints lui paraît donc abso­lu­ment néces­saire comme une « ségré­ga­tion impi­toyable des malades incu­rables » (Hit­ler, 1942). Dans son ima­gi­na­tion, il voyait des cer­veaux, des corps et des per­sonnes éga­le­ment en train de pour­rir et de se décom­po­ser. (Gruen, 2000)

Il y a donc fort à parier donc que les masques ne dis­pa­raî­tront plus jamais de notre culture. Bien loin s’en faut, car elles ont pu, en moins d’un an, deve­nir le sym­bole incons­cient même de cette culture. Grâce à le syn­dé­mie du coro­na­vi­rus, les masques se sont impo­sés comme le sym­bole social prin­ci­pal de l’odorat et de l’imaginaire social du XXIe siècle nais­sant. Le masque est l’insigne de l’odeur inodore de la culture hygié­nique de l’argent.

Bibliographie

  • Alain Cor­bin. (2016) Le miasme et la jon­quille : L’odorat et l’imaginaire social. XVIIIe-XIXe siècles. Flam­ma­rion, p. 288.
  • Freud, S., & Fließ, W. (1999). Briefe an Wil­helm Fließ (1887 – 1904). Fischer Verlag.
  • Arno Gruen. (2000). « Die poli­ti­schen Kon­se­quen­zen der Iden­ti­fi­ka­tion mit dem Aggres­sor. Das Bedürf­nis, bes­tra­fen zu müs­sen. » Behin­derte in Fami­lie, Schule und Gesell­schaft, 1/2000.
  • Hor­ton, R. (2020). COVID-19 is not a pan­de­mic. The Lan­cet, 396(10255), 874. https://​doi​.org/​1​0​.​1​0​1​6​/​S​0​1​4​0​-​6​7​3​6​(​2​0​)​3​2​000 – 6