Remarques sur les “faits” de la politique

(Deutsche Fas­sung auf den Web­sei­ten von Expres­sis Ver­bis)

« J’ai tou­jours com­pris que le test PCR est vrai­ment l’é­ta­lon-or et que nous n’a­vons rien de mieux aujourd’­hui qui serait plus fiable. » 

(Pau­lette Lenert. RTL Kloer­text du 11.03.20211)

Depuis 15 mois les dis­cours poli­tiques et média­tiques offi­ciels affirment étayer les lois et mesures sani­taires sur les varia­tions du nombre d’infections, les taux d’occupation de lits de soins inten­sifs et le nombre de morts. Ain­si, ces lois et mesures auraient don­né lieu à des stra­té­gies poli­tiques fon­dées sur des don­nées empi­riques (evi­dence-based poli­cy). Le mot d’ordre de telles poli­tiques basées sur les faits était : « sui­vez la science ».

La notion de la poli­tique fon­dée sur les don­nées empi­riques est issue du concept de la méde­cine fon­dée sur les faits (evi­dence based medi­cine), datant du début des années 1990. L’idée semble aus­si évi­dente en méde­cine qu’en poli­tique, mais en même temps, elle ne cache des dif­fi­cul­tés redou­tables. Quels sont ces « faits » qui four­ni­raient la base des déci­sions ? Quelles sont les connais­sances empi­riques dis­po­nibles ? Com­ment se les pro­cu­rer, com­ment les inter­pré­ter, com­ment les uti­li­ser, com­ment choi­sir par­mi la sur­abon­dance et la durée de vie par­fois exces­si­ve­ment courtes des résul­tats d’études scien­ti­fiques ou empi­riques ? (Voir Laurent et al., 2009).

Une étude biblio­gra­phique récente (juin 2021) a per­mis de mon­trer l’envergure des recherches scien­ti­fiques sur le Covid-19. De fait, la recherche sur le nou­veau Virus consti­tue la plus grande explo­sion de lit­té­ra­ture scien­ti­fique jamais vue dans l’histoire de la publi­ca­tion scien­ti­fique (Fas­sin, 2021). En 2020 quelque 70’000 articles sur le Covid-19 ont paru dans des revues scien­ti­fiques, don­nant lieu à quelque 500’000 cita­tions (contre 100’000 cita­tions d’articles sur le can­cer ; le sujet de recherche de loin le plus actif en méde­cine). Rien qu’en 2020, on aura donc comp­té 5’833 articles publiés en moyenne par mois, soit quelque 1’400 articles par semaine.

La lec­ture, com­pré­hen­sion et uti­li­sa­tion d’une telle quan­ti­té de publi­ca­tions n’est pas seule­ment impos­sible pour les meilleurs spé­cia­listes, si ce n’est que faute de temps (il fau­drait lire, com­prendre et éva­luer 208 articles par jour !), mais elle implique encore une réduc­tion très consé­quente des pro­ces­sus de lec­ture et d’évaluation de la part des revues scien­ti­fiques (Fas­sin, op. cit.). Un fac­teur qui n’est pas sans impor­tance pour la qua­li­té d’une recherche menée et publiée à très grande vitesse. Sup­po­sons que face à une situa­tion telle, les déci­deurs poli­tiques ne se débrouillent pas mieux que les experts scientifiques.

Il devrait paraître évident, rien qu’en tenant compte de la quan­ti­té des publi­ca­tions scien­ti­fiques, que les « faits » dont se targuent les poli­tiques et leurs experts sont pour le moins par­tiels, par­tiaux et sélec­tifs. Que signi­fie « suivre la science » si cette science nous four­nit plus d’informations, et qui plus est contra­dic­toires, que nous ne sau­rions assi­mi­ler de toute une vie ?

Par ailleurs, comme nous l’avons abon­dam­ment consta­té depuis le début de la pan­dé­mie, les « faits » sont aisé­ment uti­li­sés pour dépo­li­ti­ser les débats et pour pous­ser des mesures sans autre consi­dé­ra­tions sociales, éco­no­miques ou psy­cho­lo­giques. Si bien que la devise « suivre la science » per­met­tait rapi­de­ment et de manière de plus en plus affir­mée de court-cir­cui­ter l’ensemble des ins­ti­tu­tions et pro­cé­dures démo­cra­tiques pour ins­tau­rer des régimes de crise et d’exception.

Ces der­niers mois, nous avons éga­le­ment consta­té un effri­te­ment pro­gres­sif des « faits » plus tri­via­le­ment sta­tis­tiques, sup­po­sés jus­ti­fier les poli­tiques sani­taires et leur expertocratie.

Le nombre de décès du Covid a très rapi­de­ment rebat­tu la cau­sa­li­té médi­cale (mort du) sur la seule cor­ré­la­tion sta­tis­tique (mort du ou avec). Aus­si, nous savons entre-temps de nos pays voi­sins que les nombres de lits de soins inten­sifs n’ont pas tou­jours été aus­si exacts et hon­nêtes qu’on aurait pu le sou­hai­ter. Sui­vant une étude concrète récente, le der­nier rem­part, l’argument impla­cable der­rière les mesures de confi­ne­ment, de couvre-feu et de dis­tan­cia­tion sociale, les tests PCR, s’avère com­pro­mis à son tour.

Dans une récente ana­lyse de la per­for­mance du test RT-PCR du SARS-CoV‑2 comme outil de détec­tion de l’in­fec­tion par le SARS-CoV‑2, des cher­cheurs de la facul­té de méde­cine de l’Université Essen-Duis­burg (Stang et al, 2021) publient des résul­tats de recherche dont la signi­fi­ca­tion est dif­fi­ci­le­ment surestimée.

Repo­sant sur une ana­lyse de « don­nées du monde réel », et non sur les spé­cu­la­tions mathé­ma­tiques, cette étude ne donne pas seule­ment une idée plus concrète du degré d’imprécision de cer­taines études ›scien­ti­fiques‹, mais elle remet encore en ques­tion l’une des bases majeures de l’ensemble des poli­tiques et stra­té­gies poli­tiques face à la pan­dé­mie du Covid-19.

L’on se sou­vient que la « Task Force » scien­ti­fique luxem­bour­geoise, étayant ses résul­tats sur un test à large échelle, esti­mé à 160 mil­lions d’euros2, fai­sait figure d’appuyer ses résul­tats sur une sen­si­bi­li­té et spé­ci­fi­ci­té ana­ly­tiques des tests rRT-PCR de 100% (Wilmes et al. 2021). Cette pré­ci­sion par­faite, indi­quée par le fabri­cant luxem­bour­geois aurait, selon nos experts, en même temps été cor­ro­bo­ré par l’analyse scien­ti­fique minis­té­rielle. C’est la rai­son pour laquelle nos cher­cheurs se sont sen­tis en droit de négli­ger la ques­tion des « faux posi­tifs ou faux néga­tifs (…) dans l’a­na­lyse des don­nées ». Pour­quoi en effet s’intéresser à de pos­sibles erreurs de détec­tion quand on a affaire à des don­nées à 100% adéquates ?

De même, les experts du Fonds Natio­nal de la Recherche (Minis­tère de l’En­sei­gne­ment supé­rieur et de la Recherche) savaient, 7 mois avant la paru­tion de l’étude éta­tique, que contrai­re­ment aux autres pays, de « nom­breuses infor­ma­tions sur les résul­tats faus­se­ment posi­tifs » cir­culent, mais qui « ne s’ap­pliquent cer­tai­ne­ment pas au Luxem­bourg ». Car la poli­tique éco­no­mique et finan­cière ne lave pas seule­ment plus blanc au Luxem­bourg, ses scien­ti­fiques mesurent aus­si avec plus de précision :

Les tests PCR uti­li­sés au Luxem­bourg sont très fiables. Il a été démon­tré que les infor­ma­tions sur les taux de faux posi­tifs de 1% ou plus ne s’ap­pliquent pas à la situa­tion au Luxem­bourg. Il n’y a actuel­le­ment aucune preuve fiable de faux posi­tifs signi­fi­ca­tifs, mais bien sûr, il ne peut être exclu que des faux posi­tifs puissent se pro­duire. Cepen­dant, compte tenu des don­nées, la pro­ba­bi­li­té est très faible.3

On a pu consta­ter com­ment, en omet­tant de men­tion­ner l’importance des tech­niques du pré­lè­ve­ment (les vul­né­ra­bi­li­tés pré-ana­ly­tiques) aus­si bien que le poids de l’interprétation des résul­tats de labo­ra­toire (les vul­né­ra­bi­li­tés post-ana­ly­tiques), les cher­cheurs du Minis­tère de la San­té ont réus­si à créer l’illusion sub­tile d’une pré­ci­sion par­faite. L’exactitude impla­cable de la science luxem­bour­geoise n’aura d’ailleurs même pas heur­té l’oeil avi­sé des « pairs éva­lua­teurs » The Lan­cet Regio­nal Health – Europe.

Au Luxem­bourg, on n’aura donc pas eu besoin de par­ta­ger les doutes des autres pays et de leurs scien­ti­fiques. Ain­si, on n’aura pas eu besoin de consul­ter l’évaluation externe test RT-PCR pour la détec­tion du SARS-CoV‑2 (Bor­ger et al., 2020), parue en novembre 2020 et consta­tant « de nom­breuses erreurs tech­niques et scien­ti­fiques, notam­ment une concep­tion insuf­fi­sante des amorces, un pro­to­cole RT-qPCR pro­blé­ma­tique et insuf­fi­sant, et l’ab­sence d’une vali­da­tion pré­cise du test. » (op. cit. p. 1) Ain­si Bor­ger et al. rele­vaient non moins de dix « pro­blèmes fon­da­men­taux » de la pro­cé­dure RT-PCR pro­po­sée par Cor­man-Dros­ten ; pro­cé­dure sur la vali­di­té de laquelle dépendent les stra­té­gies de test et les mesures rela­tives à la dis­tan­cia­tion sociale et au confinement.

Le pro­blème majeur du test RT-PCR rele­vé par Bor­ger et al. tient au fait que les auteurs de l’étude « ne dis­po­saient ni de maté­riel de contrôle du SARS-CoV‑2 infec­tieux (›vivant‹) ou inac­ti­vé, ni d’ARN géno­mique iso­lé du virus ». Or, en l’absence de maté­riel viral réel, les tests ont été conçus par­tant d’une séquence géno­mique ›théo­rique‹.

Effet secon­daire consé­quent : la pro­cé­dure n’est pas en mesure de four­nir de don­nées quant à la charge virale cri­tique, c’est-à-dire quant au dosage viral requis pour une infec­tion effec­tive. Ce qui veut dire que même si les tests attei­gnaient la fabu­leuse pré­ci­sion de l’équipement luxem­bour­geois, ils ne per­met­traient tou­jours pas de dis­tin­guer entre une simple pré­sence d’ADN et une infec­tion de fait.

Des 10 erreurs majeures et mineurs pré­le­vées dans la publi­ca­tion de Cor­man-Dros­ten, Bor­ger et al. concluent :

Le test RT-PCR décrit dans l’ar­ticle de Cor­man-Dros­ten contient tel­le­ment d’er­reurs de concep­tion en bio­lo­gie molé­cu­laire (voir 1 – 5) qu’il est impos­sible d’ob­te­nir des résul­tats sans ambi­guï­té. Il est inévi­table que ce test génère un for­mi­dable nombre de « faux posi­tifs ». (Bor­ger et al., 2020, p. 19)

Ces pro­blèmes rendent, selon la for­mu­la­tion des auteurs le test RT-PCR du SRAS-CoV‑2 « inutile » comme outil de diag­nos­tic et par consé­quent comme base de déci­sions poli­tiques qui « ont détruit la vie et les moyens de sub­sis­tance de nom­breuses per­sonnes, limi­té l’ac­cès à l’é­du­ca­tion » avec des « res­tric­tions impo­sées par les gou­ver­ne­ments du monde entier (consti­tuant) une attaque directe contre les droits fon­da­men­taux des per­sonnes et leurs liber­tés indi­vi­duelles, entraî­nant des dom­mages col­la­té­raux pour des éco­no­mies entières à l’é­chelle mon­diale. » (Bor­ger et al. p. 2)

Il va sans dire que la cri­tique de Bor­ger et al. a été vive­ment cri­ti­quée à son tour (Bor­ger et al., 2021). Si bien que le dilet­tante, de même que le scien­ti­fique se retrouve de néces­sai­re­ment face au doute et dans l’attente d’études sup­plé­men­taires. Les tests PCR sont-ils donc utiles, per­ti­nents et fiables ou alors sont-ils trop impré­cis pour l’usage sani­taire auquel ils ont été des­ti­nés par les poli­tiques anti-Covid-19 ?

En l’absence de réponse sûre, la relec­ture indé­pen­dante du papier de Cor­man-Dros­ten a iso­lé un point de cri­tique majeur, que les cri­tiques n’ont pas abor­dé jusqu’à pré­sent : la ques­tion du seuil d’infection et d’infectiosité cor­res­pon­dant au résul­tat positif :

Une erreur grave est l’o­mis­sion d’une valeur Ct à laquelle un échan­tillon est consi­dé­ré comme posi­tif et néga­tif. Cette valeur Ct ne figure pas non plus dans les sou­mis­sions de sui­vi, ce qui rend le test inadap­té en tant qu’ou­til de diag­nos­tic spé­ci­fique pour iden­ti­fier le virus SRAS-CoV‑2. (Bor­ger et al. p. 21)

Si l’on vou­lait recou­rir à une image cari­ca­tu­rale : avec leur test, les viro­logues ont bien four­ni un ther­mo­mètre hau­te­ment sen­sible pour mesu­rer la tem­pé­ra­ture du milieu ambiant, mais ils ont omis d’y impri­mer une échelle de mesure et de défi­nir la tem­pé­ra­ture cen­sée être recher­chée. Assu­ré­ment, ce ther­mo­mètre indi­que­ra tou­jours une tem­pé­ra­ture, mais l’interprétation de cette tem­pé­ra­ture res­te­ra à la dis­cré­tion de l’utilisateur. Pour cer­tains, l’eau bouilli­ra à 30 degrés, pour d’autres à 40, et pour d’autres encore à plus de 50.

L’étude de l’Université Essen-Duis­burg a ten­té de pal­lier l’aléatoire de l’évaluation en pro­po­sant une échelle de mesure opé­ra­tion­nelle. En l’occurrence, une étude de 190’000 résul­tats de tests (sur 162’457 habi­tants de la région de Müns­ter) a été rééva­luée sui­vant les valeurs Ct. La valeur Ct indique le nombre de cycles d’amplification requis pour éva­luer l’échantillon comme positif.

Une pre­mière obser­va­tion mon­tra qu’à la pre­mière phase du test à large échelle, les per­sonnes symp­to­ma­tiques avaient sys­té­ma­ti­que­ment une valeur Ct plus basse que les per­sonnes asymp­to­ma­tiques. Lors de la deuxième phase des tests, il s’avéra que les per­sonnes symp­to­ma­tiques, c’est-à-dire les per­sonnes réel­le­ment infec­tées, mani­fes­taient des valeurs net­te­ment infé­rieures à des Ct de 25,5 alors que les per­sonnes asymp­to­ma­tiques se situaient régu­liè­re­ment par-delà ce seuil. Inver­se­ment, la moyenne des per­sonnes tes­tées posi­tives mais sans symp­tômes a pu être éta­blie à une valeur Ct médiane de 29,9 cycles. Et les auteurs d’en conclure :

À la lumière de nos conclu­sions selon les­quelles il est peu pro­bable que plus de la moi­tié des per­sonnes ayant obte­nu un résul­tat posi­tif au test PCR aient été infec­tieuses, la posi­ti­vi­té du test RTPCR ne doit pas être consi­dé­rée comme une mesure pré­cise de l’in­ci­dence infec­tieuse du SRAS-CoV‑2. (Strang et al.)

L’indication sys­té­ma­tique de la valeur Ct serait-elle donc une manière de rendre les tests RT-PCR plus significatifs ?

Pas néces­sai­re­ment, car ces valeurs ne sont pas direc­te­ment com­pa­rables entre kits de tests dif­fé­rents. Aus­si peuvent-elles chan­ger avec les pro­cé­dures de pré­lè­ve­ment, la durée du trans­port et les condi­tions et la durée d’entreposage pré­cé­dent l’évaluation en laboratoire.

Si des droits fon­da­men­taux tels que la liber­té du com­merce et de l’industrie, la liber­té indi­vi­duelle, l’inviolabilité du domi­cile ou le droit de s’assembler ne peuvent être entra­vés ou sup­pri­més en dehors des « des exi­gences de ratio­na­li­té, d’adéquation et de pro­por­tion­na­li­té 4 », les tests RT-PCR ne répondent cer­tai­ne­ment pas à ces exigences.

Reve­nons donc à la devise du « suivre la science » ou « suivre les faits » des déci­sions poli­tiques sup­po­sé­ment basées sur des faits.

Si les lois et mesures anti-covid liber­ti­cides et consti­tu­tion­nel­le­ment hasar­deuses se basent sur des faits qui ont été infir­més l’un après l’autre, la ques­tion de savoir sur quoi exac­te­ment se fonde la poli­tique sani­taire actuelle devient urgente. Car mani­fes­te­ment, cette poli­tique ne suit plus la science (l’a‑t-elle jamais sui­vie ?) et se détache des seuls faits dont elle sau­rait tirer sa légitimité.

La ques­tion urgente qui se pose düs lors erait : de la poli­tique sani­taire est-elle donc la poli­tique ? À coup sûr, on ne trou­ve­ra pas la réponse dans les dis­cours publics des déci­deurs poli­tiques, de leurs experts et hauts-fonctionnaires.

Dans un pre­mier temps, les « effets d’aubaine, dont beau­coup de gou­ver­nants ont su, au moins en un pre­mier temps, habi­le­ment se sai­sir » et qui trouvent leur expres­sion la plus claire dans le scan­dale alle­mand des com­mis­sions de masques à 11,5 mil­lions d’Euros5 semblent s’imposer.

Men­tion­nons éga­le­ment les cen­taines de mil­lions d’Euros natio­nales dépen­sées en une cam­pagne de tests pro­fi­tant plus ou moins aléa­toi­re­ment à cer­tains acteurs pri­vés. Pen­sons aus­si aux stra­té­gies minis­té­rielles des contrats pri­vés, cou­vrant les dépenses publiques du voile du ›secret des affaires‹. Grâce à ces par­te­na­riats publics-pri­vés, les poli­ti­ciens se voient à mêmes de gérer l’argent public comme pro­prié­té pri­vée et d’échapper ain­si à toute res­pon­sa­bi­li­té et à tout contrôle démo­cra­tique de leurs dépenses. Comme l’ont mon­tré les révé­la­tions d’autres pays euro­péens, ces effets d’aubaine auront assu­ré des sup­plé­ments de reve­nu suc­cu­lents à cer­tains repré­sen­tants poli­tiques et agents de la fonc­tion publique. The­re’s no busi­ness like Coro­na business.

Pour d’autres encore, la période pan­dé­mique aura été une cam­pagne élec­to­rale ines­pé­rée, pro­di­guant des temps d’antenne sen­sa­tion­nels et une popu­la­ri­té autre­ment invrai­sem­blable. Sur ce plan aus­si, une pro­ro­ga­tion des divers états de crise, de la poli­tique de la peur et du mar­ke­ting poli­tique dépour­vu de tout rap­port aux faits semble plus que souhaitable.

La crise aura sur­tout per­mis d’accélérer autant de pro­grammes et de pous­ser le déve­lop­pe­ment de la « course à l’innovation » allant de la numé­ri­sa­tion du tra­vail, de l’enseignement et de l’administration de la popu­la­tion à la recherche dans une géné­ra­li­sa­tion sans pareille du solu­tion­nisme technologique :

Le solu­tion­nisme pré­sume plu­tôt qu’il n’é­tu­die les pro­blèmes qu’il tente de résoudre, cher­chant « la réponse avant que les ques­tions n’aient été plei­ne­ment posées ». […] C’est là que réside un dan­ger caché du solu­tion­nisme : les solu­tions rapides qu’il col­porte n’existent pas dans un vide poli­tique. (Moro­zov, 2013)

Il fau­dra pro­ba­ble­ment des années d’analyses cri­tiques pour mieux com­prendre les dyna­miques poli­tiques et éco­no­miques de cette pan­dé­mie. Mais on pour­ra d’ores et déjà s’accorder avec Bara­bra Stie­gler pour pen­ser que la bonne part de ces effets d’aubaine ne sont en réa­li­té que les effets du prag­ma­tisme poli­tique, c’est-à-dire de la cor­rup­tion poli­tique habi­tuelle, face à la situa­tion nou­velle d’une pan­dé­mie insai­sis­sable. Il ne serait pas impro­bable que cette der­nière s’avère, en fin de compte, comme un étrange mélange, plus ou moins hasar­deux par­tant d’une panique ori­gi­nelle tran­si­toire et d’effets de mimé­tisme à large échelle, à une construc­tion com­plexe « où la démo­cra­tie est elle-même, en Pan­dé­mie, deve­nue un objet dis­cu­table » (Stie­gler, op. cit.) :

En essayant de recons­ti­tuer un puis­sant com­plot, on prê­te­rait beau­coup de ratio­na­li­té à un pou­voir qui, en la cir­cons­tance, en a été sin­gu­liè­re­ment dépour­vu. À l’opposé de l’intelligence tac­tique, il faut plu­tôt aller cher­cher du côté de la peur, qui est sou­vent le mobile prin­ci­pal des grandes défaites. Ce gou­ver­ne­ment, qui va se mettre à gou­ver­ner sys­té­ma­ti­que­ment par la peur à comp­ter de cette date, a été lui-même, à par­tir de là et de bout en bout, gou­ver­né par la peur. Par la peur panique du virus bien sûr, mais aus­si par celle de la révolte sociale.

Peut-être qu’un jour, cette pan­dé­mie se mani­fes­te­ra sur­tout comme un puis­sant alliage de la peur et des fausses connais­sances poli­ti­sées trans­for­mant le pou­voir et ses experts en une « manu­fac­ture du consen­te­ment » et de modi­fi­ca­tion des com­por­te­ments d’un public infan­ti­li­sé et ter­ri­fié par tous les moyens de la psy­cho­lo­gie des foules et des tech­niques de la propagande.

Dans ce mou­ve­ment, cer­tains repré­sen­tants poli­tiques et leurs alliés éco­no­miques se seront cer­tai­ne­ment sou­ve­nus de la fameuse cam­pagne élec­to­rale de Donald Trump à Iowa : « Je pour­rais me tenir au milieu de la 5e Ave­nue et tirer sur quel­qu’un sans perdre d’é­lec­teurs. » (23 jan­vier 2016)

Les déci­deurs savent aujourd’hui qu’il pour­ront men­tir, mani­pu­ler et abu­ser leurs élec­teurs de la manière la plus éhon­tée et s’en retrou­ver aux plus hauts niveaux des baro­mètres de la popu­la­ri­té et de la confiance publiques.

Parions que cette leçon aura été comprise !

Bibliographie

  • Bor­ger, P. et al. (2020). Exter­nal peer review of the RTPCR test to detect SARS-CoV‑2 reveals 10 major scien­ti­fic flaws at the mole­cu­lar and metho­do­lo­gi­cal level : Conse­quences for false posi­tive results. https://​doi​.org/​1​0​.​5​2​8​1​/​z​e​n​o​d​o​.​4​2​9​8​004
  • Bor­ger, et al. (2021). Adden­dum — Cor­man Dros­ten Review Report by an Inter­na­tio­nal Consor­tium of Scien­tists in Life Sciences (ICSLS). hCps://doi.org/ 10.5281/zenodo.4433503
  • Crouch, C. (2000). Coping with Post-demo­cra­cy. Fabian Society.
  • Crouch C. (2004), Post-Demo­cra­cy. Poli­ty Press, Cambridge/Malden.
  • Laurent et al. (2009). Pour­quoi s’intéresser à la notion d’ « evi­dence-based poli­cy » ? Revue Tiers Monde, n° 200(4), 853‑873.
  • Fas­sin, Y. (2021). Research on Covid-19 : A dis­rup­tive phe­no­me­non for biblio­me­trics. Scien­to­me­trics, 126(6), 5305‑5319. https://​doi​.org/​1​0​.​1​0​0​7​/​s​1​1​1​9​2​-​021 – 03989‑w
  • Moro­zov, E. (2013). To save eve­ry­thing, click here : The fol­ly of tech­no­lo­gi­cal solu­tio­nism. Public Affairs.
  • Stang et al. (2021). The per­for­mance of the SARS-CoV‑2 RT-PCR test as a tool for detec­ting SARS-CoV‑2 infec­tion in the popu­la­tion. Jour­nal of Infec­tion. https://​doi​.org/​1​0​.​1​0​1​6​/​j​.​j​i​n​f​.​2​0​2​1​.​0​5​.​022
  • Wilmes, et al. (2021). SARS-CoV‑2 trans­mis­sion risk from asymp­to­ma­tic car­riers : Results from a mass scree­ning pro­gramme in Luxem­bourg. The Lan­cet Regio­nal Health – Europe, 4. https://​doi​.org/​1​0​.​1​0​1​6​/​j​.​l​a​n​e​p​e​.​2​0​2​1​.​1​0​0​056
  • Stie­gler, B. (2021). De la démo­cra­tie en Pan­dé­mie : San­té, recherche, édu­ca­tion. Gal­li­mard.

Notes

  1. https://​www​.rtl​.lu/​t​e​l​e​/​k​l​o​e​r​t​e​x​t​/​a​/​1​6​8​6​9​5​2​.​h​tml ↩︎
  2. Voir Th Simo­nel­li : „Les petits arran­ge­ments d’un grand dépis­tage” https://​www​.expres​sis​-ver​bis​.lu/​2​0​2​1​/​0​6​/​0​1​/​l​e​s​-​p​e​t​i​t​s​-​a​r​r​a​n​g​e​m​e​n​t​s​-​d​u​n​-​g​r​a​n​d​-​d​e​p​i​s​t​a​g​e​/​?​l​a​n​g​=fr ↩︎
  3. Voir « Dans quelle mesure les tests PCR Sars-CoV‑2 sont-ils fiables et pro­bants ? »: https://​science​.lu/​f​r​/​t​e​s​t​s​-​p​c​r​-​v​e​r​i​f​i​c​a​t​i​o​n​-​d​e​s​-​f​a​i​t​s​/​d​a​n​s​-​q​u​e​l​l​e​-​m​e​s​u​r​e​-​l​e​s​-​t​e​s​t​s​-​p​c​r​-​s​a​r​s​-​c​o​v​-​2​-​s​o​n​t​-​i​l​s​-​f​i​a​b​l​e​s​-​p​r​o​b​a​nts# À la décharge de nos cher­cheurs minis­té­riels, il faut tou­te­fois men­tion­ner qu’ils n’ont pas été seuls à attes­ter de tels niveaux de pré­ci­sion aux tests PCR. ↩︎
  4. Arrêt 9/00 du 5 mai 2000 Cour Consti­tu­tion­nelle, Mémo­rial A- 40 du 30 mai 2000, p. 948 ↩︎
  5. Voir : « Die Pan­de­mie-Pro­fi­teure ». 19 avril 2021, Süd­deustche Zei­tung.https://www.sueddeutsche.de/bayern/masken-deal-sauter-nuesslein-elfeinhalb-millionen-euro‑1.5269605