
(Exposé Sarrebruck – 26 avril 2025)
1. Sciences vraies et fausses
Une distinction fondamentale de la théorie de la connaissance de Karl Popper est celle entre science et pseudoscience. Popper contredit ici une idée largement répandue selon laquelle les théories scientifiques se caractérisent avant tout par le fait qu’elles peuvent être vérifiées. Il souligne plutôt que c’est précisément la possibilité de falsification, c’est-à-dire la réfutation par des observations empiriques, qui constitue le critère central de la science véritable.
Selon cette conception, une théorie ne serait scientifique que si elle pouvait en principe être réfutée par l’expérience, c’est-à-dire si elle formulait des affirmations empiriquement vérifiables et potentiellement réfutables par des observations futures. Pour le dire de manière plus concise, la connaissance scientifique n’est pas une connaissance confirmée, mais une connaissance qui n’a pas encore été réfutée. La science ne produit donc toujours que des connaissances provisoires.
À l’inverse, les pseudosciences se caractérisent par le fait qu’elles s’immunisent systématiquement contre toute réfutation. Elles formulent, par exemple, leurs affirmations de manière si flexible qu’elles ne peuvent être réfutées d’emblée par des observations. Karl Popper critique particulièrement le marxisme et la psychanalyse à cet égard. Selon lui, ces théories ont tendance à interpréter toute observation imaginable comme une confirmation supplémentaire de leur propre schéma d’interprétation.
L’immunisation contre la réfutation s’effectue à l’aide de différentes techniques, notamment l’utilisation d’hypothèses dites « ad hoc ». Ces hypothèses supplémentaires, qui servent à sauver la théorie, permettent de protéger les théories contre les réfutations, les exceptions et les contradictions. D’autres stratégies contre la réfutation consistent à mettre excessivement l’accent sur des preuves apparentes, à sélectionner de manière sélective des données confirmantes (« cherry picking »), à ignorer ou à réinterpréter délibérément des preuves contradictoires, ou à citer des experts réels ou supposés (argument d’autorité).
À cela s’ajoutent des stratégies de légitimation telles que le recours à des titres universitaires ou à des institutions, l’utilisation de termes métaphysiques ou ésotériques peu clairs, l’absence de définitions claires et la dévalorisation générale des perspectives alternatives comme « aveuglées » ou « non scientifiques ». Enfin, l’utilisation d’un jargon pseudoscientifique qui fait seulement simuler le caractère scientifique fait également partie de ces stratégies.
La frontière entre science et pseudoscience ne réside donc pas, selon Popper, dans des contenus spécifiques, mais plutôt dans l’attitude méthodologique : la science commence là où l’examen critique et la volonté de réfutation deviennent parties intégrantes du processus de connaissance.
2. Les sciences sociales de Popper
Moins connue, mais non moins intéressante, est la théorie scientifique de Popper relative aux sciences sociales. En effet, Popper ne s’intéressait pas exclusivement aux sciences naturelles. Il accordait également une attention considérable aux sciences sociales.
Et l’on retrouve ici exactement la même opposition entre science et pseudoscience que dans le contexte des sciences naturelles. Seul le terme utilisé dans le contexte des sciences sociales pour désigner la « pseudoscience » est différent. Dans les sciences sociales, l’équivalent des pseudosciences est ce que Popper appelle la « thèse du complot » (« Verschwörungstheorie der Gesellschaft »).
Que veut dire Popper par « thèse du complot » ?
S’agit-il des anti-vaccins ? Des opposants aux mesures sanitaires ? Des défenseurs de la thèse de « l’État profond », ou même de ceux qui croient que la Maison-Blanche est entre les griffes d’élites reptiliennes ? Pas du tout.
Selon Poper, le modèle de base de la « thèse du complot » la pensée marxiste. La thèse selon laquelle les processus sociaux sont essentiellement déterminés par les intérêts des grands acteurs économiques, que la politique, le droit et la culture ne sont que des expressions mystifiées, des superstructures du mode de production capitaliste, de son pouvoir politique et de son hégémonie idéologique, apparaît, du point de vue de Popper, comme un exemple paradigmatique d’une théorie du complot globale déguisée en théorie critique de la société.
Je citerai un long passage de la Société ouverte qui me semble très clair dans ce sens :
Il existe une thèse, que j’appellerai la thèse du complot, selon laquelle il suffirait, pour expliquer un phénomène social, de découvrir ceux qui ont intérêt à ce qu’il se produise. Elle part de l’idée erronée que tout ce qui se passe dans une société, guerre, chômage, pénurie, pauvreté, etc., résulte directement des desseins d’individus ou de groupes puissants. Idée très répandue et fort ancienne, dont découle l’historicisme ; c’est, sous sa forme moderne, la sécularisation des superstitions religieuses. Les dieux d’Homère, dont les complots expliquent la guerre de Troie, y sont remplacés par les monopoles, les capitalistes ou les impérialistes.
Je ne nie évidemment pas l’existence de complots. Ceux-ci se multiplient même chaque fois que des gens croyant à leur efficacité accèdent au pouvoir. Cependant, il est rare que ces complots réussissent à atteindre le but recherché, car la vie sociale n’est pas une simple épreuve de force entre groupes opposés, mais une action qui se déroule dans le cadre plus ou moins rigide d’institutions et de coutumes, et qui produit maintes réactions inattendues. Le rôle principal des sciences sociales est, à mon avis, d’analyser ces réactions et de les prévoir dans toute la mesure du possible.
(Karl Popper. 1979 [1962 – 1966] La société ouverte et ses ennemis. Tome 2. Éditions du Seuil, p. 67 – 68.)
3. La notion de théorie du complot : Popper et von Hayek
Les premières tentatives historiques de conceptualisation de l’idée de « théorie du complot » ont été faites par Karl Popper (Thalmann 2019, p. 10, 40 – 43) et, dans une moindre mesure, par son ami, l’économiste autrichien et prix Nobel Friedrich von Hayek.
Tous deux étaient liés à la fois par une amitié personnelle, et par une longue collaboration et des convictions politiques et économiques communes. Bien qu’il existe des différences dans la pensée de Popper et Hayek (Caldwell 2019), ils ont tous deux été cofondateurs de la Société du Mont-Pèlerin.
Ce contexte historique et politique est important pour comprendre la notion de théorie du complot. En effet, l’intention des membres de la Société du Mont-Pèlerin était de lutter contre le collectivisme soviétique et toute forme d’économie planifiée afin de promouvoir l’expansion mondiale d’un « nouveau libéralisme ». La définition exacte de ce projet – le nouveau libéralisme – a été formulée en 1938 à Paris, lors du Colloque Walter Lippmann : le retour à l’ordre devait être réalisé à l’aide d’un État qui se tiendrait systématiquement à l’écart de toute activité économique (Denord 2002, p. 10).
Pour le nouveau libéralisme, que Popper et Hayek défendaient tous deux avec l’idée de « société ouverte », les fondements de la démocratie politique devaient être garantis par un marché autorégulé. Comme système complexe, selon Popper, Hayek et les autres membres de la Société du Mont-Pèlerin, le marché est déterminé par ses propres tendances immanentes et dont la complexité échappe nécessairement à toute régulation à grande échelle. Ce développement ne peut donc être ni saisi par des lois scientifiques, ni soumis à des plans de politique économique.
4. Mélange entre théorie de la connaissance et politique
Les premiers concepts de théories du complot s’inscrivent dès le départ dans le programme politique du nouveau libéralisme défendu par Popper et Hayek. En raison de leurs convictions politiques, ils considèrent les théories du complot comme une critique inadmissible de cette vision libérale du monde. Le concept de « théorie du complot de la société » développé par Popper comporte toutefois une dimension épistémologique et une dimension politique.
D’un point de vue épistémologique, Popper s’interroge sur la contribution que les théories du complot peuvent apporter à l’explication des événements historiques et sociaux. Selon lui, les théories du complot sont fondamentalement et nécessairement fausses, mais aussi politiquement dangereuses. En effet, elles reposent sur l’hypothèse que des individus ou des groupes peuvent exercer une influence consciente et décisive sur le cours de l’histoire, de la société et en particulier de l’économie.
Une telle conception, selon Popper, est fondamentalement contraire aux principes du nouveau libéralisme et de la société ouverte. Pour lui, cette idée est profondément antidémocratique et contribue de manière significative aux modes de pensée totalitaires. L’analyse des théories du complot par Popper n’est donc pas seulement épistémologique, mais aussi historique et politiquement significative, car elle reflète le tournant idéologique qui caractérise l’évaluation des théories du complot depuis le milieu du siècle dernier.
5. Historicisme et erreurs des dieux
Popper considère la théorie du complot comme une forme particulière de ce qu’il critique dans son ouvrage « La société ouverte » sous le terme « historicisme ». L’historicisme décrit des approches pseudoscientifiques dont l’objectif est d’établir des prévisions prétendument fondées sur l’évolution future de la société.
Les partisans de l’historicisme croient que l’histoire suit des règles immuables, semblables à des lois naturelles. Si l’on connaît ces lois, on peut influencer l’histoire à son avantage. Popper trouve cette idée déjà présente dans la mythologie grecque, comme nous l’avons vu, qui explique les événements mondiaux par des complots, des intrigues et des luttes de pouvoir entre les dieux de l’Olympe. Cependant, ces luttes divines laissent toujours place au hasard et à l’imprévu.
Au sens strict de la théorie du complot, Popper considère également comme « historicisme théologique » la croyance judéo-chrétienne selon laquelle l’histoire du salut est déterminée par un plan divin universel. La théorie moderne du complot marxiste serait donc une continuation de la pensée religieuse ou superstitieuse.
Popper oppose à ces hypothèses simplistes la complexité insondable des processus historiques et sociaux. La vie sociale, argue-t-il, n’est en aucun cas une simple épreuve de force entre groupes rivaux. Elle se déroule plutôt dans un cadre souvent fragile d’institutions et de traditions et produit de nombreuses réactions et conséquences imprévues, voire imprévisibles (cf. Popper 2008, p. 105).
Popper ne nie toutefois pas que de véritables complots puissent exister. Au contraire, les complots sont des phénomènes sociaux typiques, en particulier lorsque les partisans de théories du complot accèdent au pouvoir politique. Cependant, les théories sur des complots concrets sont toujours fausses, car les complots réels ne réussissent jamais complètement et les conspirateurs peuvent rarement profiter durablement de leurs propres plans (Popper 2008, p. 105).
Dans cette perspective, les événements historiques et sociaux apparaissent fondamentalement comme le résultat d’effets involontaires. L’histoire ne se développe donc pas selon des intentions humaines conscientes, mais malgré ces intentions – comme le résultat d’une série d’effets secondaires involontaires, d’erreurs, d’échecs et d’incompétence. Cette conception a été qualifiée avec humour de « cock-up theory of history », une sorte de « théorie de l’histoire du bricolage » : même les dieux profitent rarement à long terme des fruits de leurs intrigues et de leurs complots (cf. McKenzie-McHarg & Fredheim 2017 ; Pigden 1995).
6. Le marxisme en tant qu’historicisme économique
Dans son article « Prognose und Prophezeiung in den Sozialwissenschaften » (Prévisions et prophéties dans les sciences sociales), publié en 1947 (Popper 1965), Popper précise sa conception de la théorie du complot à l’aide d’une présentation concise du marxisme. Il s’intéresse ici essentiellement au marxisme dans sa forme générale, en particulier aux interprétations soviétiques de Marx et à leurs conceptions d’une économie planifiable. Le contexte politique de sa critique apparaît ici très clairement : pour Popper, le marxisme représente une variante économique de l’historicisme, qui prétend prédire les développements sociaux avec une précision scientifique, par exemple les révolutions, comparable aux calculs astronomiques d’une éclipse solaire.
Popper oppose à ces prévisions marxistes un argument épistémologique fondamental : de telles prédictions ne seraient pas scientifiques dans leur structure. Elles seraient plutôt « plus proches de celles de l’Ancien Testament que de celles de la physique moderne » (Popper 1965, p. 114). Popper reconnaît certes qu’il existe des phénomènes récurrents dans l’histoire, tels que l’émergence de nouvelles religions ou de tyrannies (ibid., p. 117). Cependant, ces modèles récurrents ne déterminent pas le cours général de l’histoire, car des situations uniques, clairement différentes de tout ce qui s’est produit auparavant, apparaissent sans cesse (ibid., p. 118).
Sur le plan politique, Popper s’oppose également à l’hypothèse marxiste selon laquelle une politique dite « scientifique » pourrait accompagner et favoriser l’évolution prétendument naturelle des relations sociales. Selon Popper, cette opinion est toutefois incompatible avec les principes d’une société ouverte et doit donc être systématiquement récusée.
7. La société ouverte contre le marxisme
La seule alternative que Popper envisageait face aux totalitarismes marxiste et national-socialiste, dans le cadre de la vision du monde promue par la Société du Mont-Pèlerin, était l’idéologie de la main invisible d’un marché autorégulateur. Peter Knight, spécialiste des théories du complot, décrit cette orientation en des termes sans ambiguïté :
« Le véritable sens de l’argument de Popper dans La société ouverte […] est qu’il n’existe pas de juste milieu entre, d’une part, une adhésion rationnelle au néolibéralisme et à la main régulatrice des marchés capitalistes, et d’autre part, un attachement irrationnel et atavique aux théories du complot. » (Knight 2021, p. 200)
Ce passage met en évidence une réalité fondamentale : la notion même de « théorie du complot » appartient, depuis toujours, à l’arsenal disciplinaire des régimes discursifs visant à disqualifier les critiques en les assimilant à des ennemis, afin de les exclure du champ du discours légitime. Dans le cas de Popper, cela concerne les critiques marxistes du capitalisme libéral.
Ce qui vaut pour Popper vaut également pour les usages plus récents de la notion de théorie du complot, et pour les critiques contemporaines qui s’en réclament. Et cela vaut bien entendu pour les institutions qui s’en saisissent aujourd’hui dans le but de combattre ou d’interdire juridiquement les « théories du complot » en tant que telles.
Face à cette perspective, Peter Knight propose une position politiquement plus avisée :
« Le véritable problème consiste […] à savoir comment parler de conspirations sans avoir l’air d’un théoricien du complot. Plus précisément, il s’agit de penser, de représenter et de réguler juridiquement des formes d’action collective qui ne soient ni simplement le fruit d’un complot, ni le pur effet d’un système impersonnel et autorégulé. » (Knight 2021, p. 207 – 208)
Ne pas « ressembler à un théoricien du complot » signifie ici, d’abord, ne pas raisonner comme un marxiste. Cela suppose bien sûr que l’on accepte l’existence de théoriciens du complot au sens défini par l’idéologie néolibérale.
8. De Marx à Popper
Du point de vue d’une pensée matérialiste, l’antimarxisme de Popper n’apparaît nullement comme une défense de la société ouverte, mais plutôt comme un dispositif idéologique destiné à immuniser les rapports sociaux existants contre toute critique de fond.
Pour Popper, le marxisme est une théorie du complot dans la mesure où il attribue les causes des injustices sociales non au comportement d’individus isolés, mais à des structures systémiques — précisément là où les théories libérales préfèrent invoquer la spontanéité. Cette posture trahit une profonde incompréhension du concept marxien de processus de production — une incompréhension qui, même pour un lecteur peu pressé, devrait être manifeste.
Ce que Popper considère comme dangereux, à savoir l’idée que les ordres sociaux ne sont pas naturels, mais historiquement constitués, et donc modifiables, constitue, du point de vue marxiste, le seuil minimal de toute conscience critique. Tandis que Popper cherche à discréditer le marxisme en le rattachant au totalitarisme, à travers sa critique de l’historicisme, l’analyse marxiste des sociétés repose au contraire sur la reconnaissance fondamentale que les rapports sociaux, notamment les rapports de propriété et de pouvoir, ne sont ni neutres ni intemporels, mais résultent d’une lutte des classes.
La forme capitaliste de production n’est donc pas considérée comme une « forme naturelle » de l’économie, mais comme un système historiquement déterminé, traversé de rapports de domination et d’exploitation. Que certains intérêts s’imposent dans cette structure, comme ceux des propriétaires des moyens de production, ne renvoie pas à un déterminisme mécanique, mais à une logique sociale fondée sur des configurations de pouvoir politico-économiques. Il en découle que si cette organisation est un produit historique, elle peut être changée.
Popper, à l’inverse, se méfiait de toute tentative visant à expliquer ou prévoir les évolutions sociales à partir de structures sociales et économiques fondamentales. À ses yeux, c’est précisément ce type de prétention qui porte en germe les dérives totalitaires. L’idée que l’on puisse décrire certains ordres sociaux comme le résultat de conflits historiques ne relevait pas, selon lui, de l’analyse, mais d’une idéologie politiquement dangereuse.
C’est ici que la divergence devient éclairante : alors que Popper cherche à stabiliser le statu quo à travers l’idéal d’une « technologie par tâtonnement », au moyen d’une ingénierie sociale, c’est-à-dire par de petits réajustements incrémentaux, contrôlées et prudente, le marxisme, lui, vise une transformation radicale des rapports sociaux. Ce que Popper dénonce comme un dogme, le marxisme le tient pour la base d’un raisonnement historico-politique cohérent.
Popper croyait combattre les « prophètes du totalitarisme » (Popper, 2008), mais il propose, à son tour, une théorie interdisant toute alternative réelle à l’ordre établi.
Sa « société ouverte » n’est « ouverte » que dans la mesure où elle s’abstient de se remettre en question. L’ironie de ce semblant d’ouverture réside dans le fait que la critique poppérienne des dispositifs d’immunisation des régimes totalitaires repose elle-même sur une immunisation contre toute critique de type marxiste. Car toute critique de l’ordre existant devient suspecte dans la société ouverte. Critiquant l’ « ouverture » supposée, elle est nécessairement assimilée à un pas vers la barbarie, une menace à peine voilée de retour à la société fermée.
Bibliographie
- Denord, F. (2002). Le prophète, le pèlerin et le missionnaire. La circulation internationale du néo-libéralisme et ses acteurs. Actes de la recherche en sciences sociales, 145 (5), 9 – 20.
- Knight, P. (2021). „Conspiracy, Complicity, Critique.“ Symploke, 29 (1), 197 – 215. https://doi.org/10.1353/sym.2021.0011
- Popper, K. R. (1965). “Prognose und Prophetie in den Sozialwissenschaften”. In Ernst Topitsch (Hrsg.), Logik der Sozialwissenschaften Köln (S. 113 – 125). Kiepenheuer & Witsch Verlag.
- Popper, K. R. (1974). Objektive Erkenntnis : Ein evolutionärer Entwurf (Übers. H. Vetter, 2. Aufl.). Hoffmann u. Campe.
- Popper, K. R. (2002a). Conjectures and Refutations : The Growth of Scientific Knowledge. Routledge.
- Popper, K. R. (2002b). The Poverty of Historicism. Routledge Classics.
- Popper, K. R. (2008). The Open Society and its Enemies (Repr). Routledge.
- Thalmann, K. (2019). The Stigmatization of Conspiracy Theory since the 1950s : „A Plot to Make us look Foolish“. Routledge, Taylor & Francis Group.