André Green : Idées directrices pour une psychanalyse contemporaine

Paris, Presses Universitaires de France, Novembre 2002

Dans ses Idées direc­trices, André Green s’est assi­gné une tâche consi­dé­rable. Il se pro­pose en effet d’« actua­li­ser, en ce début de mil­lé­naire, ce qu’il fau­drait rete­nir des acquis de la psy­cha­na­lyse, théo­rie et pra­tique tout ensemble ». Quelque soixante ans après l’abrégé de Freud, Green tente d’entreprendre une mise au point géné­rale et soli­taire de la psy­cha­na­lyse actuelle, pour en extraire le legs de la psy­cha­na­lyse à venir. La voie emprun­tée par le livre n’est tou­te­fois pas celle du tour d’horizon géné­ral. Plus per­son­nelle, l’approche de Green prend appui sur sa propre expé­rience, nour­rie des pen­sées de Win­ni­cott, Bion et Lacan. Le des­sein plus res­treint de l’entreprise s’en conçoit dès lors comme grille de lec­ture pour abor­der « le maquis de la lit­té­ra­ture psychanalytique ».

Le périple com­mence par un bref rap­pel his­to­rique des ins­ti­tu­tions psy­cha­na­ly­tiques où, selon Green, aucune rup­ture ou exclu­sion n’a jamais été le fruit des seules dis­sen­sions théo­riques. La pre­mière par­tie du livre, dont on peut regret­ter la rela­tive briè­ve­té – une cen­taine de pages à peine –, porte sur la pra­tique psy­cha­na­ly­tique. Green s’y risque, entre autres, à affron­ter la ques­tion contro­ver­sée des psy­cho­thé­ra­pies dans leur rap­port avec la psy­cha­na­lyse. Contrai­re­ment aux posi­tions dures, qui dans la psy­cho­thé­ra­pie ne ver­raient qu’un amas de psy­cho­tech­niques de sug­ges­tion (conseils, gui­dance, renon­ce­ment à la neu­tra­li­té), l’auteur entre­voit la pos­si­bi­li­té d’y sau­ve­gar­der une « rela­tion psy­cha­na­ly­tique avec cadre amé­na­gé ».

Mal­heu­reu­se­ment, le nombre des thèmes et pro­blé­ma­tiques abor­dés n’aura pas tou­jours per­mis à Green de dépas­ser les sous-enten­dus et rap­pels du pré­sup­po­sé connu. Le lec­teur qui sau­ra résis­ter à cette pré­sen­ta­tion râpeuse se ver­ra néan­moins récom­pen­sé par la cadence et la per­ti­nence de réflexions cli­niques qui ne lais­se­ront pas inal­té­rée sa pers­pec­tive sur la pratique.

La par­tie théo­rique de l’ouvrage, de loin la plus longue, mani­feste à son tour la volon­té d’empaqueter dans un seul livre ce qui pour­rait se déployer sur trois. Green y aborde, à vitesse sou­te­nue, des champs d’analyse aus­si vastes que l’Œdipe, le lan­gage, la tier­céi­té, les repré­sen­ta­tions, les affects, les inhi­bi­tions, les débor­de­ments, les hal­lu­ci­na­tions néga­tives, les pro­ces­sus pri­maires et secon­daires, sans oublier les incur­sions dans le domaine de la phi­lo­so­phie et de la science. Il est clair, Green a des choses impor­tantes à dire, et rares sont les pages qui ne sus­ci­te­raient pas le désir de déve­lop­pe­ments plus explicites.

En résu­mé, le par­cours de la pra­tique et de la théo­rie psy­cha­na­ly­tiques s’avère ardu dès les pre­mières pages de l’ouvrage. La den­si­té des pro­pos et la richesse des élé­ments trai­tés ne requièrent pas seule­ment une impla­cable concen­tra­tion du lec­teur, mais le sup­posent bien intro­duit aux thèmes abor­dés. Qui­conque y cher­che­ra une intro­duc­tion à la psy­cha­na­lyse contem­po­raine ou même à la pen­sée de Green, s’en détour­ne­ra déçu. Dans le cas contraire, la lec­ture en vaut l’effort, même si la com­pa­ci­té s’y mar­chande sou­vent au prix de l’allusion et du renvoi.